En plein cœur de la petite ville de Tonnerre, dans l’Yonne, se trouve un lieu aussi fascinant qu'énigmatique : la Fosse Dionne. Cette source dont la couleur de l'eau oscillent du bleu turquoise au vert émeraude, alimente depuis plusieurs siècles les rêves et les interrogations des habitants. De la science aux légendes, de l’histoire à la poésie, la Fosse Dionne a su tisser une toile de mystères qui continue d’émerveiller.
La Fosse Dionne, qui doit son nom à l’ancien français "Fons Divina" (source divine), est une source karstique également appelée source vauclusienne. Elle est alimentée par les infiltrations des plateaux calcaires qui l’entourent, mais aussi d’une rivière souterraine, mystérieuse, qui semble à la fois la nourrir et se cacher dans les profondeurs du sol. En général, son débit est de 300 litres par seconde mais, en été, même en période de grande sécheresse, son débit d'environ 100 litres par seconde reste constant. C’est un phénomène rare et presque magique, qui défie les lois de la nature.
Des tests de colorant ont permis de démontrer que la Laignes, petite rivière de la côte d'or, se perd dans un gouffre à 40 kilomètres à l’Est de la source et se retrouve en infime partie dans l’eau de la Fosse Dionne. Cependant, plus de 80 % du colorant versé dans la rivière souterraine passant près d'Athée a été retrouvé dans la Fosse. Il est donc possible que cette rivière contribue en partie à alimenter la source. Mais, malgré ces découvertes, il est impossible de prouver de manière absolue que la Laignes alimente à elle seule la Fosse Dionne. Pour l'heure, le mystère reste entier.
L’histoire de la Fosse Dionne est aussi celle de l’audace humaine. De nombreux explorateurs ont tenté de percer ses secrets, mais la source ne s’est jamais laissée dompter.
Dès la fin du XIXe siècle, des plongeurs se sont aventurés dans ses eaux. En 1908, des plongées en scaphandre ont été réalisées, mais elles n'ont permis de dépasser la vasque où l’eau s’écoule. Il faudra attendre 1962 pour qu'une plongée plus poussée permette d'atteindre -28 mètres. Cependant, en 1963, une expédition tourna au tragique, et deux plongeurs ont perdu la vie. Ce fut un véritable tournant dans les explorations mais la quête ne s’arrêta pas pour autant.
Trois ans plus tard, en 1966, les frères Le Guen réalisèrent l’une des plongées les plus impressionnantes de l’histoire de la Fosse Dionne. Après plus de trois heures d'exploration, dont 1h40 en paliers de décompression, ils sont à 360 mètres de l’entrée. L'exploration fut un exploit remarquable, mais elle se heurta à des obstacles naturels comme les étroitures et un courant puissant. Ces contraintes empêchèrent malheureusement toute avancée plus profonde. Les frères Le Guen apportèrent néanmoins, une nouvelle vision du potentiel de la source, même s' ils ne purent en percer tous les secrets.
En 1976, P. Jolivet prolongea l'exploration de la Fosse Dionne, atteignant -70 mètres (soit 370 mètres de l’entrée). Ce record ultime reste intact à ce jour. Cependant, les explorations actuelles sont limitées par plusieurs facteurs : les paliers de décompression nécessaires à la sécurité des plongeurs mais également comme nous l'avons vu précédemment, le courant violent, les étroitures étouffantes ainsi que les zones instables qui rendent toute avancée plus profonde quasiment impossible, même avec les équipements modernes. De plus, en soulevant de l'argile, les plongeurs perturbent l’eau , ce qui réduit la visibilité.
Après un accident mortel en 1996, la mairie de Tonnerre décida d’interdire toute plongée dans la source, marquant ainsi la fin de cette ère d’explorations périlleuses. Les limites humaines en matière d'exploration ont été atteintes, et la Fosse Dionne reste un lieu mystérieux, dont les secrets semblent bien gardés.
En 2018, un nouvel acteur s’est ajouté à l’histoire fascinante de la Fosse Dionne. Pierre-Éric Deseigne, un expert reconnu de l'exploration en plongée souterraine, a reçu l'autorisation de reprendre les explorations dans cette mystérieuse source. Avec plus de 20 ans d'expérience dans les milieux souterrains, cet explorateur passionné avait des objectifs bien précis pour sa mission : nettoyer la source des déchets accumulés au fil des années, cartographier le réseau souterrain et, bien entendu, réaliser des images spectaculaires de ces explorations.
Parmi ses tâches, l'une des plus urgentes était de nettoyer la Fosse Dionne, qui avait été polluée par divers déchets, allant des canettes de bière aux téléphones portables, en passant par des objets aussi improbables que des k7 vidéo et même un extincteur. Ces déchets, laissés par des explorateurs peu soucieux de préserver l'environnement naturel, assombrissaient la beauté de la source et l'explorateur ne s’est pas contenté d'un nettoyage : il a également posé un nouveau fil d'Ariane pour se repérer, tout en établissant une cartographie plus précise de cette étendue d’eau souterraine. Le but était de mieux comprendre les réseaux aquatiques souterrains et de fournir des informations précieuses pour les futures explorations.
Fin octobre 2019, après plusieurs mois d'exploration, Pierre-Éric a réussi à battre un record de profondeur en plongeant à près de 80 mètres dans les eaux profondes de la Fosse Dionne. Ce record a été un moment décisif dans l'histoire de l'exploration de cette source, car il a permis de dépasser les limites précédemment établies, tout en ouvrant de nouvelles perspectives pour la recherche souterraine. À cette occasion, l'équipe de Pierre-Éric a capturé des images inédites et exceptionnelles, des plongées profondes qui ont une nouvelle fois alimenté le mythe et l’aura mystérieuse de la Fosse Dionne.
Pierre-Éric Deseigne a mené ce projet sur plusieurs mois tout en poursuivant sa vie professionnelle à Paris, où il enseigne et partage son savoir-faire avec d'autres passionnés de plongée. Son engagement et sa passion pour l'exploration souterraine sont évidents, et sa démarche est un bel exemple de l'équilibre entre la vie professionnelle et une quête personnelle qui dépasse les frontières de l'ordinaire.
Si la science n’a pas réussi à percer tous les mystères de la Fosse Dionne, ce sont les légendes qui ont pris le relais, racontant des récits où le bien et le mal se battent pour le contrôle de ce lieu sacré et dangereux.
L'une des légendes les plus anciennes remonte au Ve ou VIe siècle. Elle raconte l’histoire d’un basilic, un serpent redoutable capable de tuer d’un simple regard, qui terrorisait les habitants de Tonnerre. Saint-Jean l’Abbé, un ermite, décida de se confronter à la bête.
Armé d’une pelle et d’une pioche, il creusa dans la terre pour déloger le serpent. L’eau de la source envahit alors la cavité, noyant la créature maléfique.
Cette légende pourrait symboliser la lutte de l’homme contre les forces hostiles de la nature, représentées par le basilic.
Une autre légende, plus récente, raconte l’histoire de Pierre, un jeune garçon qui, au mois de juillet 700, trouve une bourse d’argent tombée d’un cavalier mystérieux, vêtu de noir et monté sur un cheval sombre. En utilisant cet argent, Pierre se laisse emporter par la tentation, mais il est vite frappé par une malédiction : des douleurs de ventre atroces et des crises de rires incontrôlables. Il décide alors de retourner la bourse, mais le mystérieux cavalier n’est autre que le Diable, qui disparaît dans les eaux de la Fosse, créant un trou béant.
L’histoire se termine par un geste de pardon et de réparation de la part de l’évêque Saint Pallade, qui plonge son manteau dans la source pour purifier les pièces.
La dernière légende de la Fosse Dionne se déroule à une époque plus récente. Une jeune fille, poursuivie par le Diable, se met à courir pour échapper à son agresseur. Elle invoque alors la Vierge Marie, qui apparaît dans une lumière éclatante, vêtue d’un manteau d’émeraude. En posant son manteau au sol, la Vierge créa un lac miraculeux dans lequel elle se jette pour échapper au Diable. Cette légende reflète la lutte éternelle entre le Bien et le Mal, et témoigne de la protection divine dont la source est supposée être l'instrument.
Au fil du temps, la Fosse Dionne est passée d’un lieu craint à un site aménagé pour le bien de la communauté. L’endroit, autrefois marécageux et insalubre, n’a commencé à être réellement exploité qu’à partir du XVIIe siècle. En 1758, le père du chevalier d’Éon fit construire le lavoir que nous connaissons aujourd’hui, composé d’un bassin circulaire de 14 mètres de diamètre, entouré d’une auge dans laquelle les lavandières effectuaient leur travail. Ce bassin d’eau émeraude est devenu un lieu où les habitants échangeaient des nouvelles, et où les enfants écoutaient avec curiosité les conversations de quartier.
Aujourd’hui, la Fosse Dionne reste un lieu de mémoire et de vie pour les Tonnerrois. Le lavoir, jadis animé par les lavandières, évoque des souvenirs d’un temps où l’eau, élément à la fois source de vie et de crainte, était au centre de l’existence quotidienne. La source continue d’alimenter les esprits curieux, les chercheurs et les rêveurs, qui viennent admirer sa beauté mystérieuse et essayer de percer ses derniers secrets.
✔️ L’église Saint-Pierre : perché au-dessus de la source, ce lieu religieux du XIIe siècle fait écho aux légendes qui entourent la Fosse.
✔️ L’Hôtel-Dieu Notre-Dame des Fontenilles : fondé en 1293, cet ancien hôpital est l’un des plus anciens d’Europe. Son immense salle des malades et sa pharmacie ancienne méritent la visite.
✔️ La maison natale du chevalier d’Éon : espionne, diplomate, aventurière… Un personnage fascinant à découvrir.
✔️ La vieille ville de Tonnerre : avec ses maisons à pans de bois, ses ruelles pavées et son ambiance médiévale.
✔️ Les vignobles de Chablis : à quelques kilomètres seulement, partez à la rencontre des vignerons de l’un des plus grands vins blancs du monde. ✔️ Randonnées dans le Tonnerrois : nombreux sentiers balisés à travers bois, falaises et points de vue panoramiques.
✔️ Musées et galeries : dont le musée de l’Hôtel-Dieu ou les expositions temporaires à la Maison du Patrimoine.
🕒 Accès libre toute l’année (meilleure lumière en matinée ou fin d’après-midi).
📍 Adresse : Rue de la Fosse Dionne, 89700 Tonnerre
🛄 Parking à proximité (place Marguerite de Bourgogne)
🚌 Gare SNCF de Tonnerre à 10 min à pied
🍽️ Restaurants, cafés et hébergements à quelques pas
C’est un lieu hors du temps, entre nature et légende, science et histoire. Chaque reflet dans l’eau semble raconter un récit oublié. Parfaite pour une halte poétique, une sortie culturelle ou une escapade photographique.
La Fosse Dionne n’est pas qu’une simple source ; c’est une porte ouverte sur les mystères de la Terre et de l’imaginaire humain. Entre explorations périlleuses, légendes fantastiques et découvertes scientifiques, elle continue de fasciner, de nourrir les esprits curieux et de rappeler l’indomptable pouvoir de la nature. La Fosse Dionne reste un symbole puissant de la quête humaine de sens et de compréhension, un lieu où l’histoire et le mythe se rencontrent, entre ombre et lumière.
Et toi, oseras-tu plonger (au moins du regard) dans le mystère de la Fosse Dionne ?
À Tonnerre, dans l’Yonne (Bourgogne-Franche-Comté), en plein centre-ville, à quelques pas de l’église Saint-Pierre.
Oui, elle est en accès libre. On peut la voir depuis le bord du bassin et circuler autour du lavoir. C’est un lieu public, gratuit et ouvert toute l’année.
Absolument ! Les jeux de lumière sur l’eau et le cadre ancien offrent un décor parfait pour les passionnés de photo.
La profondeur maximale atteinte par les plongeurs est d’environ 70 mètres, mais le réseau souterrain dépasse 370 mètres de long et reste en partie inexploré.
Uniquement sur autorisation préfectorale et pour des explorations professionnelles. La Fosse Dionne a été le théâtre de plusieurs accidents mortels ; elle est donc strictement réglementée.
Le nom viendrait du mot "divona", d’origine celte, signifiant "source sacrée" ou "divine". Cela souligne le caractère mystérieux et sacré que les anciens attribuaient à ce lieu.
Oui ! On parle du "Basilic", du "manteau de la Vierge", ou encore du "cavalier noir" et des "sous du diable". Ces récits populaires renforcent l’aura mystique du site.
Oui, la Fosse Dionne est classée Monument Historique depuis 1920.
Certaines sont proposées par l’office de tourisme local, notamment en été ou lors de festivals patrimoniaux.