
L’archipel des Lérins se situe dans le golfe de Cannes, séparant le golfe de La Napoule à l’ouest de celui de Juan à l’est. Il comprend deux îles principales et plusieurs îlots. Au nord, l’île Sainte-Marguerite est la plus étendue (environ 2,1 km², soit 210 ha) et se trouve à seulement 700 m du littoral cannois. Elle est presque entièrement couverte d’une forêt méditerranéenne de pins et d’eucalyptus, qui lui valent son surnom de « poumon vert » de la baie. Au sud, l’île Saint-Honorat est six fois plus petite (37 ha, 1,5 km de long) et connue pour son monastère. Chacune de ces deux îles est entourée d’un îlot inhabité (la Tradelière à l’est de Sainte-Marguerite, Saint-Ferréol à l’est de Saint-Honorat) et l’archipel compte au total cinq îles avec l’îlot de l’Ilon au sud de Saint-Honorat. Les côtes, au total 12 km, alternent falaises abruptes (notamment au Fort Royal) et petites criques où il est possible de se baigner en eaux claires. D’un point de vue pratique, les îles sont reliées au continent par plusieurs navettes depuis le port de Cannes : il suffit de 15 à 20 minutes de traversée pour atteindre Sainte-Marguerite ou Saint-Honorat.
Des Ligures à saint Honorat : aux origines antiques
L’intérêt des Lérins ne date pas d’hier. Les premières traces d’occupation humaine remontent au VIᵉ siècle avant notre ère : des fouilles archéologiques ont mis au jour à Sainte-Marguerite les vestiges d’un oppidum ligure fortifié de cette époque. L’archipel, alors appelé Lérina (Sainte-Marguerite) et Lero (Saint-Honorat), fut mentionné par les auteurs antiques. Pline l’Ancien évoque déjà ces îles (sous les noms de Lerina et Lero) dans son Histoire naturelle, attestant l’importance stratégique de l’oppidum Vergoanum sur Lérina pour la défense de l’Antipolis (Antibes). Au tournant de notre ère, les Grecs et Romains parcouraient la région : un texte de Strabon signale qu’un héros local nommé Lêron était vénéré sur l’île Lero (aujourd’hui Saint-Honorat). A l’époque romaine, Sainte-Marguerite portait déjà le nom de Lero et aurait abrité un temple à un chef pirate local.
Au début du Ve siècle, un grand tremblement de terre frappe la côte d’Azur (autour de 410) : selon la tradition et les études archéologiques, ce cataclysme fit basculer l’archipel dans la mer et submergea de vastes zones littorales. La légende rapporte que l’île Saint-Honorat, alors dépeuplée et « infestée de serpents » selon les annales monastiques, fut miraculeusement assainie par saint Honorat d’Arles. Accompagné de l’ermite Caprais, Honorat débarque vers 400 sur l’île déserte de Lero (Saint-Honorat) et y fonde un monastère chrétien. On raconte même qu’à son arrivée il frappa le sol de son bâton : une source d’eau douce jaillit alors et ne s’assécha jamais. Grâce aux récits de pèlerins et aux fouilles récentes de la chapelle Saint-Sauveur, l’installation de ce premier ermitage vers 400-410 est aujourd’hui bien attestée. Dès 427, l’île était déjà considérée comme un « immense monastère ». C’est sur cette base que va naître, en Gaule, l’un des tout premiers foyers du monachisme occidental.
Un monastère millénaire : l’abbaye de Lérins
Abbaye de Lérins – Cloître du Travail (XIVe siècle). Ce cloître médiéval, inscrit aux Monuments historiques, témoigne de l’architecture romane préservée du monastère fortifié de Saint-Honorat. Grâce à ses nombreux vestiges, l’île Saint-Honorat est reconnue comme un site patrimonial exceptionnel. L’abbaye de Lérins, fondée par saint Honorat vers 400, joua un rôle clé dans la diffusion du christianisme en Provence. Au VIᵉ siècle déjà, elle avait fourni plusieurs évêques du Midi et comptait des moines célèbres (saints Quenin, Loup de Troyes, Apollinaire, etc.). Saint-Honorat est considéré comme « l’un des plus anciens sites monastiques d’Occident », salué pour « le rayonnement des nombreux saints et évêques qui en sont issus ». À travers ses 16 siècles d’existence, l’abbaye reflète une triple tradition chrétienne : celle des premiers Pères de Lérins (Honorat), celle des moines bénédictins qui vont y bâtir ses chapitres médiévaux, et celle de l’ordre cistercien qui, au XIXᵉ siècle, redonne vie au monastère.
Les bâtiments actuels sont en grande partie d’époque médiévale et moderne. Les moines bénédictins de Cluny entreprennent à partir du XIᵉ siècle la reconstruction de l’abbaye : un cloître roman est édifié au XIᵉ, dont les colonnes sculptées demeurent en partie visibles aujourd’hui. Entre le XIᵉ et le XVe siècle, la communauté construit également une tour refuge – la célèbre tour-monastère – qui deviendra un bâtiment unique en son genre. Cette tour compacte regroupe sur plusieurs niveaux toutes les fonctions de la vie monastique : cellier, réfectoire, chapelles intérieures, dortoirs, cloître à deux niveaux et même la chambre de l’abbé. Classée Monument historique dès 1840, elle illustre à elle seule l’ingéniosité défensive et spirituelle des moines, capable de se replier dans un noyau fortifié en cas d’attaque.
L’abbaye compte aussi d’autres édifices religieux remarquables : outre le cloître du XIIIe siècle, on y trouve six petites chapelles médiévales dispersées autour du monastère. L’église abbatiale, de style roman tardif, est ouverte aux visiteurs lors de la journée du Patrimoine, et accueille encore aujourd’hui la messe célébrée par la communauté cistercienne. Le monastère possède toujours ses 8,5 hectares de vignoble sur l’île, que les moines cultivent pour leurs vins et liqueurs. Une boutique de l’abbaye propose d’ailleurs en permanence ces produits monastiques – vins rouges, blancs et apéritifs – reconnus localement. Ainsi, malgré les vicissitudes de l’histoire, Saint-Honorat demeure « l’un des plus vieux témoins du monachisme insulaire en Occident » : la communauté religieuse actuelle vit de ce double héritage spirituel et viticole, tout en assurant l’accueil des pèlerins et randonneurs qui viennent découvrir ce lieu sacré.
Forteresses et légendes des Lérins
Le Fort royal de l’île Sainte-Marguerite domine la côte nord de l’île et servit de prison d’État pendant plusieurs siècles, d’abord sous les Espagnols puis la couronne de France. En 1635, les Espagnols occupèrent Sainte-Marguerite et y fortifièrent le site, puis Louis XIII en reprit le contrôle en 1637. Vauban modernisera plus tard cette forteresse. Le Fort Royal est surtout célèbre pour sa prison d’État. Pendant 11 ans (1687-1698), y fut détenu un mystérieux prisonnier, « l’Homme au masque de fer », dont l’identité demeure inconnue. Les visiteurs peuvent voir sa cellule voûtée, tout au cœur de la citadelle. Le fort abrite également le Musée de la Mer : installé dans les vestiges d’un ancien arsenal, ce musée expose aujourd’hui des objets archéologiques marins (amphores, poteries) récupérés dans la baie, ainsi qu’une riche collection illustrant la faune et la flore méditerranéennes.
L’histoire de Sainte-Marguerite est parsemée de figures pittoresques. Au XIXᵉ siècle, lors de la conquête de l’Algérie, le prince Abd el-Kader et sa tribu furent capturés : en 1832-1833, la « Smala d’Abd el-Kader » (la caravane de femmes et guerriers) fut incarcérée au Fort Royal avant d’être transférée en France. La même forteresse enferma le maréchal Mac-Mahon, futur président de la République, et le maréchal Bazaine, après leur reddition lors de la guerre franco-prussienne (Bazaine y resta prisonnier de 1871 à 1873). Ces anecdotes historiques (prisonniers politiques et militaires) renforcent le caractère légendaire du lieu.
De l’autre côté de l’archipel, le fortin médiéval de Saint-Honorat servait quant à lui de refuge aux moines en cas de pirates. Les découvertes archéologiques sur l’île Sainte-Marguerite confirment par ailleurs l’ancienneté de son occupation : le Fort Royal repose sur les ruines d’une villa romaine et d’un baptistère paléochrétien des Vᵉ-VIᵉ siècles, rappelant que la christianisation était déjà amorcée avant le monachisme formel.

Nature, activités et tourisme contemporain
Les îles de Lérins attirent aujourd’hui un public varié (randonneurs, plongeurs, amateurs de patrimoine). La traversée depuis Cannes s’effectue en navette publique ou privée, avec un trajet d’environ 15 minutes. Sainte-Marguerite, la plus vaste, offre 152 hectares de forêt domaniale parcourus par quelque 22 km de sentiers balisés. Entre pins et eucalyptus se cachent de petites criques tranquilles où il fait bon se baigner. L’étang du Batéguier, à l’est de l’île, est protégé en zone Natura 2000 et sert de halte à de nombreux oiseaux migrateurs et migrateurs d’eau douce. On peut y pique-niquer à l’ombre ou simplement goûter au calme insulaire : des aires équipées de tables sont prévues de part et d’autre des îles. La pêche et la plongée en apnée sont très populaires sur les rivages clairs, et même un « écomusée sous-marin » a été inauguré en 2021 au pied de Sainte-Marguerite. Des sculptures géantes représentant six habitants de Cannes ont été immergées dans la réserve marine pour former le premier parcours d’art subaquatique de France.
L’île Saint-Honorat, plus petite, se découvre en quelques heures à pied. Les visiteurs accostent au nord près du village monastique, puis peuvent emprunter le sentier côtier qui fait le tour de l’île en passant par sept chapelles en ruine égrenées entre vignes et maquis. L’abbaye fortifiée, au sud, se visite librement (l’église abbatiale étant ouverte aux visiteurs). Un sentier permet d’accéder au sommet de l’îlot voisin Saint-Ferréol pour admirer le panorama sur la baie. Les moines accueillent les visiteurs : on peut suivre leur messe et réserver des dégustations de vins de l’abbaye. Pour le repas, des restaurants existent sur chaque île ou l’on peut simplement composer un pique-nique avec des produits locaux achetés avant l’embarquement. Les îles sont classées en site protégé et gérées par l’Office national des forêts : il est interdit d’y faire du feu ou de laisser ses déchets sur place, afin de conserver l’environnement intact.
La mémoire des Lérins se perpétue aussi par l’image et les archives : en 2025, beaucoup de familles conservent de vieilles vidéos VHS de leurs excursions provençales. Afin de préserver et partager ces souvenirs, on peut par exemple recourir à des services de numérisation vidéo comme Keepmovie, qui transfèrent les cassettes VHS sur clé USB. Ainsi, les films amateurs d’hier (reportages familiaux, images de fêtes locales ou d’excursions sur l’archipel) deviennent des supports numériques exploitables et partageables aujourd’hui.
En somme, les îles de Lérins conjuguent richesse historique, ferveur spirituelle et beauté naturelle. De l’origine antique et ligure aux légendes médiévales, jusqu’à l’accueil des visiteurs contemporains, chaque rocher de cet archipel porte la trace d’une histoire vivante. Qu’il s’agisse de contempler un cloître roman au clocher millénaire ou de plonger parmi les algues pour y découvrir des vestiges, l’amateur de patrimoine trouvera aux Lérins un lieu d’évasion aussi reposant qu’édifiant.
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